Chroniques des mémoires : le site archéologique

Dès 1967, Marcel Le Glay (directeur des Antiquités historiques de la région Rhône-Alpes) a généré le projet de fouille des vestiges du site archéologique de Saint-Romain-en-Gal, intervention préalable à la construction du nouveau lycée de Vienne. Convaincu de l’importance de la découverte, il a ensuite conduit les négociations qui ont abouti à la préservation de ce vaste quartier antique de Vienna et à son acquisition par le Département du Rhône, en 1970.

Naissance du site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Juin 1965 : rive droite, des sondages archéologiques sont réalisés dans le verger de la propriété Petit, dans la boucle du fleuve, en prévision de la construction du lycée de Vienne. C’est là que tout a commencé… Les archéologues bénévoles du TCF mettent alors au jour les premiers blocs de granite d’une imposante voie dallée qui borde des constructions antiques. Sous la rue, un égout de 2m de hauteur s’enfonce dans l’inconnu.

Tout reste à découvrir mais cette fouille révèle, à elle seule, la réalité d’un quartier urbain densément bâti. Les archéologues sont heureux et inquiets à la fois car, face à l’érection du futur lycée qui détruira à coup sûr ces vestiges, il reste tant à faire…
En 1966, les sondages se poursuivent dans la rue, d’axe nord-sud. Ils révèlent un portique de façade qui la longe du côté ouest et mettent en évidence, le long de la Grande Fullonica, l’existence d’une conduite en plomb estampillée CMP et d’un tuyau en bois. Ils longent deux bâtiments séparés par un mur mitoyen rehaussé de blocs en calcaire ajustés. Des niveaux de circulation du IIIe siècle qui recèlent notamment un vase en verre gravé et des moules de fausse monnaie, se succèdent dans le portique. Chacune de ces découvertes recèle une tranche de vie du quartier dont on ne peut, alors, imaginer l’ampleur.
En 1967-68, tout le dallage de la voie est dégagé. Une fontaine publique, dégradée, apparaît à l’un des angles du carrefour avec la ruelle des Jardins.
Le visage de la rue se précise. Sur son côté est, des thermes se déploient. La fontaine et un laraire sont accolés à leur façade. Du côté ouest, le portique de façade borde, du sud au nord, le Marché, un ensemble de boutiques qui ouvre sur une cour intérieure, la Grande Fullonica puis, un espace cloisonné qui occupe la pointe du triangle formé par la convergence de deux rues qui structurent le quartier. Ce décapage d’ampleur entraîne la destruction des niveaux de circulation du IIIe siècle. La statue de Sucellus, retrouvée non loin de la fontaine, en réchappe et devient l’un des emblèmes du site. La préservation des vestiges est enfin acquise. La fontaine est restaurée. La chaussée de granite signale l’importance de la rue. Elle se perd alors sous les prés, au sud, s’enfonce, au nord, dans le talus qui ourle le site. Là, les niveaux du IIIe siècle subsistent encore… Ils constituent l’amorce d’un nouvel îlot, pourvu d’un portique de façade, qui se déploie au nord des thermes. Aujourd’hui remblayés, ces vestiges attendent d’être dévoilés.
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Nissance du site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La fontaine publique de la rue des Thermes

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Je reviens de loin… Quand on m’a retrouvée, en 1968, les blocs en calcaire qui, dans l’Antiquité, composaient ma cuve se mêlaient, épars, aux remblais de démolition qui occultaient la chaussée dallée où j’étais ancrée. Certains de mes éléments, récupérés pour d’autres constructions, avaient disparu après l’abandon du secteur. Difficile, alors, de visualiser le carrefour que cet axe dallé majeur formait avec la ruelle d’axe est-ouest qui longeait autrefois les jardins d’élégantes domus…


Mais les archéologues du site m’ont choyée, décennie après décennie. Alain Canal, qui a exploré le carrefour en 1970, a remonté le regard d’accès aux égouts publics voisins avec les restaurateurs. Ensemble, ils ont reconstitué ma cuve, comblé mes lacunes.
En 1993, Éric Delaval a étudié mon évolution. Entre 1992 et 1998, dans le cadre d’une politique de remise en eau des bassins, Jean-Luc Prisset et Laurence Brissaud ont fouillé le réseau des égouts qui récupérait le surplus de mon eau. Depuis, bien que non potable, elle coule à nouveau en moi. Ils sont revenus en 2011 fouiller autour de moi les secteurs altérés par le passage des visiteurs.
On m’a offert une seconde vie… Face à l’entrée du Marché, à l’abri de la chaussée, je me dresse fièrement au carrefour de la rue des Thermes et de la ruelle des Jardins. C’est ainsi qu’on les nomme à présent. À 250 m du lacus de la rue du Portique, je m’offre à ceux qui fréquentent le secteur commercial et artisanal du quartier.
Bâtie lors de la réfection du dallage de la rue au IIe siècle, ma cuve en calcaire dur repose sur des plaques en calcaire tendre issues d’un lacus antérieur. Elles sont cachées sous le tuileau d’étanchéité. Certains de mes blocs ont été remplacés au cours du IIIe siècle. J’ai vécu si longtemps… Toute blanche, je tranche en regard des dalles de voie en granite bleu et façades environnantes en schistes bruns.
Un cheminement destiné aux personnes à mobilité réduite a été créé en 2018. Il reprend l’emplacement du trottoir en terre qui bordait le portique du Marché au IIIe siècle. Ainsi, je me situe à nouveau au cœur d’un carrefour plein de vie…
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Fontaine publique rue des Thermes-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

Les vestiges du site : retrouver leur sens, leurs fonctions, les nommer

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Avant de partir à la découverte des vestiges, il est nécessaire d’avoir à l’esprit quelques préceptes applicables à tout lieu marqué par les outrages du temps et des hommes. L’altération des murs dérasés et fragmentés qui composent le site archéologique est telle qu’il faut souvent plusieurs années pour reconstituer la cohérence des ensembles architecturaux et appréhender leurs évolutions singulières au cours de leur durée de vie.


Ce travail d’analyse est toujours susceptible d’être remis en question par une nouvelle découverte mais il demeure fondamental pour identifier la fonction d’un bâtiment, ses transformations physiques, partielles ou globales, ses changements d’affectation.
Le site n’est pas un tout uniforme, né cohérent. Le quartier résulte de l’agrégation de constructions le long de rues qui elles-mêmes ont eu leurs propres vies.
Quatre siècles d’évolution ont laissé des traces innombrables dont seules certaines sont aisément identifiables. Pour l’archéologue, il s’agit de gérer cette constellation d’informations grâce à des numérotations pratiques mais peu évocatrices. De son côté, le visiteur a besoin de savoir où il se trouve et d’identifier la construction qui retient son attention.
Il a donc été nécessaire de nommer les bâtiments et les rues pour qu’ils puissent à nouveau exister en tant qu’entités structurées. Nommer n’est cependant pas un acte anodin. Un nom donne une réalité qui peut s’avérer erronée ou qui reflète imparfaitement l’usage du lieu. Ces interrogations forment la réalité actuelle du site. Vous êtes maintenant armés pour une visite plus détaillée.
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Les vestiges du site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

Le site archéologique : un lieu en évolution permanente

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
À première vue, le site archéologique peut être perçu tel un simple champ de ruines figées. Il s’agit en réalité d’une mine d’informations, non épuisée, destinée à ouvrir le regard sur notre monde de l’Antiquité à nos jours.
Le site actuel est deux fois plus étendu que celui dégagé en 1968. Il ne présente cependant qu’une fenêtre réduite de 4 hectares, ouverte sur le secteur nord-ouest de Vienna, ville allobroge qui, à son apogée, s’étendait sur les deux rives du Rhône sur près de 300 hectares.


Les vestiges visibles révèlent le quartier dans son aspect de la fin du IIe siècle ap. J.-C. Sous eux, les bâtiments antérieurs sont toujours présents, même si les reconstructions successives les ont altérés.
Ici, quatre mètres de sédiments archéologiques conservent le souvenir des transformations graduelles apportées par les allobroges à leur cité. Ils constituent une exceptionnelle richesse, une irremplaçable mémoire que révèle la coupe stratigraphique présentée dans le musée.
Ces données, brutes, fragmentées au fil des générations, paraissent inexpressives de prime abord mais, munis de quelques clés de compréhension, elles constituent autant de portes qu’archéologues et visiteurs peuvent ouvrir sur les siècles de vie du quartier antique.
Le site préservé de Saint-Romain-en-Gal permet que des recherches minutieuses puissent se poursuivre sur la durée mais aussi que le public s’immerge physiquement dans un temps révolu, antichambre du monde actuel. À son côté, le musée doit être la « porte du temps » qui restitue l’originalité du lieu et la pluralité de ce passé.
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Le site archéologique de Saint-Romain-en-Gal : un lieu en évolution permanente

L’emblématique maison des Dieux Océan

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
À l’usage, il s’avère que la perception du site archéologique varie selon les personnes et que, loin d’être immuable, elle évolue dans le temps. Ce ressenti individuel, reflet de notre regard sur le monde, est enrichissant à partager. Nous vous invitons à partager une balade dans le temps proche et lointain.
Lors du dégagement de 1967, la mosaïque aux têtes du dieu Océan marque les esprits par son étendue. Océan devient vite le symbole du site.
Dans les années 1970, les sondages profonds, effectués à l’emplacement du pavement, révèlent des sols antérieurs et un mobilier abondant qui interroge sur l’époque d’origine du bâtiment qui abrite le pavement.


Située à proximité de l’entrée du site, la maison des Dieux Océan devient le lieu phare des fouilles des années 1980. Son étendue exceptionnelle focalise l’attention et son évolution résume pour un temps celle du quartier.
Au début des années 1990, la maison des Dieux Océan demeure le point central du site jusqu’à ce que la découverte des latrines des thermes des Lutteurs lui ravisse la vedette. La mise en service du musée transforme complètement la circulation des visiteurs. Océan et la maquette du bâtiment figurent en bonnes places dans la salle d’exposition mais la maison est désormais reléguée au fond du site, à l’une des extrémités du quartier visible.
Elle retrouve la quiétude de l’anonymat et s’assoupit jusqu’en 2017, réveillée par l’enfouissement de la capsule temporelle, dans sa cave. Depuis, elle murmure son histoire au creux de l’oreille des visiteurs aventureux, prêts à l’écouter et à ressentir sa douceur méditerranéenne.
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Maison des Dieux Océan vestibule-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

Le « bâtiment » des Dieux Océan

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Après avoir contourné la fontaine ruisselante du bassin central du vestibule, le visiteur se rend directement dans un premier péristyle dont le jardin, éclairé par le soleil, est ceinturé par un bassin où se reflètent les quatre portiques et leurs colonnes blanches en calcaire du Jura. Il traverse ensuite un corps de bâtiment, occupé par une vaste salle à manger (130 m2) avant de déboucher dans un deuxième jardin à portiques, pourvu de plusieurs bassins et d’une pergola abritant un lit de repas. Le visiteur conquis, prêt à acheter ce bijou de romanité, n’est cependant pas au bout de ses surprises. Une deuxième salle de réception, elle aussi de 130 m2 mais dallée de marbre, ouvre largement sur ce havre de paix, indiquant que le bâtiment se poursuit, inconnu, encore plus à l’ouest. Quelle maison !

Une maison, où cela ? Où sont les chambres ? Sur une superficie estimée à 3000 m2, sont présents des jardins, des portiques, des salles de réception et quelques pièces annexes mais pas de chambres ouvertes sur les jardins. Sont-elles aux étages ? Encore faudrait-il que ceux-ci existent. Dans la partie inexplorée ?

Une hypothèse pourrait expliquer cette absence. Le bâtiment pourrait être le siège d’une association, une schola, lieu de rencontre de ses membres, notamment lors de banquets.

Avant d’accueillir les visiteurs dans la salle d’exposition permanente du musée, Océan ornait-t-il une maison ou une schola ?

Cent fois sur le métier tu remettras ta recherche !

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Maison des Dieux Océan contexte-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison des Dieux Océan : de la difficulté de redonner vie aux vestiges

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Dans le deuxième jardin de la maison des Dieux Océan, oubliez la présence de la colonnade et celle des bassins en eau qui ont été restaurés dans les années 1970-1980. Privé de son égout de vidange depuis la création de la maison aux Cinq Mosaïques, le grand bassin périphérique est en effet comblé à cette époque, c’est-à-dire, à la fin du IIe siècle après J.-C. Les remblais, déposés alors, recélaient en effet plusieurs colonnes, brisées lors du démontage du portique.


Le démantèlement du péristyle et l’abandon des aménagements hydrauliques du grand jardin témoignent d’une modification profonde de son utilisation.
Cette transformation résulte-t-elle d’un changement d’affectation du bâtiment ou du déclin d’un édifice devenu trop couteux à entretenir ? Qu’en est-il alors de la configuration effective de la … des Dieux Océan ? L’axonométrie ou la maquette, visible dans le musée, en donnent deux idées mais… avant la création de la maison aux Cinq Mosaïques, après : c’est une autre histoire…
De la difficulté de restaurer avant d’avoir perçu, identifié et compris toutes les imbrications !

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Maison des Dieux Océan grand jardin-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison aux Cinq Mosaïques : lumière et oubli…

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Dans l’Antiquité, cette maison, de qualité mais modeste en dimensions, est façonnée par son propriétaire qui affiche ses ambitions sociales en développant fortement le secteur de réception : salon, sanitaire, salle à manger et jardin. Son nom ? Laurence Brissaud est sur la piste… (À suivre dans un article à paraître) En 1984, la mise en évidence d’une porte, condamnée, qui mettait cette maison en relation avec celle des Dieux Océan, avait soulevé un lot d’interrogations : avions-nous là affaire à une seule et même habitation ?


La maison aux Cinq Mosaïques avait-elle été achetée par le propriétaire voisin ? La question inverse – à savoir : le propriétaire de la petite parcelle avait-il acheté la grande ? – n’effleura alors pas les pensées. En réalité, la porte fonctionnait à une époque antérieure dont nous reparlerons plus tard. Les deux bâtiments n’ont en effet jamais totalement rompu le cordon ombilical qui les unissait depuis leur création simultanée au cours de la deuxième moitié du Ier siècle après J.-C.
En revanche, vers la fin du IIe siècle après J.-C., la création de la maison aux Cinq Mosaïques a engendré la condamnation de leur égout commun et a définitivement privé sa grande voisine de l’usage des bassins de son vaste jardin.
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Maison aux Cinq Mosaiques -Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison aux Cinq Mosaïques : mise en valeur

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
En 1967, cinq pavements, rapidement déposés, réapparaissent dans cette maison de 480 m2, organisée autour d’un jardin à colonnade, doté d’un bassin plaqué de marbre blanc. Partiellement restaurée dans les années 1970, la maison, privée de ses mosaïques, est alors recouverte de sable afin de protéger le bassin et les sols qui subsistent. Elle tombe dans l’oubli, jusqu’à son exploration approfondie, en 1987-88, qui révèle l’histoire du bâtiment. Cette fouille a permis de réaliser la maquette qui figure depuis 1996 en bonne place dans le musée.


Puis, oubliée du programme de restaurations, elle doit attendre l’année 2000 pour retrouver de sa superbe avec son bassin revêtu de marbre, sa colonnade reconstituée et ses pavements replacés in situ à la belle saison.
Cette embellie dure une quinzaine d’années. En 2019, les maçonneries, défraichies par le temps et la pollution, sont à nouveau restaurées. Une copie de la mosaïque du vestibule accueille toujours les pas du visiteur. Les autres, originaux fragiles, sont en cours de restauration et ne sortent plus pour le moment.
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Maison aux Cinq Mosaiques jardin-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La rue du Portique : 1ère partie

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Je suis la rue du Portique. C’est ainsi que les archéologues du site me nomment depuis les années 1990 lorsqu’ils parlent de moi. Cela me va bien. En effet, je longe, au sud, sur près de 200m de long, l’imposant Portique Nord de l’ensemble monumental et suis bordée, au nord, par les portiques de façades des vastes domus (maison sous le lycée, maison des Dieux Océan, maison à la Colombe…) qui ouvraient sur moi. Je suis l’un des deux axes majeurs les plus anciens du quartier antique de Saint-Romain-en-Gal.


J’ai creusé mon imposant sillon dès le Ier siècle avant J.-C., 4 mètres en dessous du niveau actuel. D’axe est-ouest, je suis née au pied des côteaux de la rive droite. Issue d’un carrefour qui m’unissait à la voie de Narbonnaise, d’axe nord-sud, je traversais toute la plaine pour rejoindre le fleuve Rhodanus. On pouvait le franchir, à cette époque, pour gagner le cœur ancien de Vienna. Ma chaussée, alors constituée de galets et graviers damés, avait une largeur de 12m.
Réduit à 6m, mon dallage que vous admirez aujourd’hui, date de la fin du IIe siècle ap. J.-C. Il recouvre les vestiges d’un premier niveau dallé qui, lui-même, scellait de nombreux niveaux de circulation antérieurs. Irriguée par de multiples canalisations en bois, en plomb, drainée par des égouts successifs j’ai ainsi suivi, au cours du temps, la progression de l’expansion urbaine.
Dès le début du IIIe siècle, mon dallage a été en partie recouvert par des dépôts terreux, voire totalement dissimulé par des trottoirs en terre qui doublaient les portiques de façades.
Je me souviens encore de cette matinée de novembre où Laurence Brissaud, en fin d’intervention, se mit à fouiller ce trottoir constitué d’un amas de dalles de voie remployées et de remblais peu spectaculaires. Il longeait un portique de façade en calcaire… Nous étions en 1995.
Je me souviens de sa joie lorsque, petit à petit, elle vit apparaiîre ce dépotoir du IIIe siècle. Instants magiques, éphémères… Fiches d’enregistrement, relevés détaillés, clichés, fouille, analyse… Du bout de sa truelle, elle venait de surprendre le propriétaire d’une taverne voisine, en train de déverser dans la rue les reliefs d’un repas bien arrosé.
Ce lot de céramique sigillée, de pots, de cruches en céramique commune, mêlé aux ossements d’animaux, a ensuite été reconstitué et étudié par Odile Leblanc, céramologue. Il est partiellement présenté dans le musée. C’est le terrain qui délivre sa mémoire, singulière… Le trottoir en terre est aujourd’hui restauré. Les visiteurs, amoureux du patrimoine, déambulent sur mon doux dallage de granite érodé, sinueux qui porte en lui les rides du passé. Ils rêvent alors d’Antique et ressentent, à mon contact, l’âme et le sens du lieu. Ils ne se doutent pas que trente années ont été nécessaires aux archéologues pour me remettre en état et combler mes lacunes, grâce aux dalles éparses qu’ils ont retrouvées et mises de côté au fil de leurs fouilles. Un long et patient travail de Titan.
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Rue du portique restaurée-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La rue du Portique : 2e partie

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Nous voici arrivés au carrefour de la rue du Portique et de la rue du Commerce. Faisons une pause. Voyez : je suis la seule rue du quartier qui offre, sur l’ensemble de ma surface dégagée, une continuité de portiques de façade qui permet d’abriter les piétons. Ces passages couverts m’ourlent du côté nord. Ils sont tous différents car ils sont liés à l’aspect architectural des façades des bâtiments qu’ils desservent.


Les volumes et tonalités des blocs qui composent les piliers de support de toiture changent donc d’une parcelle à l’autre. Tour à tour en calcaire blanc, en molasse, beige ou verte, ils scandent visuellement mon tracé. Leur présence permanente depuis l’époque augustéenne témoigne, au fil des reconstructions individuelles, de mon statut singulier lié à mon rôle de voie d’accès au pont nord qui permettait de traverser le fleuve. Les passants, à l’abri, pouvaient s’arrêter devant les boutiques, discuter à leur aise sans craindre de se faire renverser par les charriots. J’étais un lieu de vie et d’échanges privilégié. Les habitants du quartier se retrouvaient quotidiennement auprès de la fontaine publique, implantée au carrefour. Mis au jour en 1968, lors du décapage du site, ce lacus conservait encore son épais fond en mortier de tuileau. Aujourd’hui, seul subsiste son socle, composé de dalles en calcaire blanc. Grâce aux larges rainures visibles qui indiquent l’emplacement des parois du bassin, on peut restituer une cuve de 3,20 m de longueur sur 1,70 m de largeur. Extérieurement, le bassin devait avoir une hauteur de 1m. Toutefois, intérieurement, le revêtement de mortier destiné à éviter les fuites, réduisait de moitié sa profondeur.

Tout ce qui peut être imaginé est réel. (Pablo Picasso)

Alors, imaginez… Vous voyez à présent le lacus. Il est adossé à la façade aveugle du Portique Nord. Dissimulé par l’une de ses exèdres, il est placé à l’écart de la chaussée. Les riverains y croisent les voyageurs et côtoient les athlètes qui fréquentent l’ensemble monumental voisin ou les thermes de Lutteurs, ancrés plus à l’ouest. L’air est doux. Vous entendez le rire des enfants, le son cristallin de l’eau qui emplit les cruches des servantes, gicle dans le bassin puis, se déverse sur la chaussée par le trop-plein central de la cuve. Le liquide se fraye un chemin jusqu’à l’orifice de la lourde dalle en calcaire toute proche qui couvre l’un des regards d’accès à l’égout collecteur. Aménagé dès le milieu du 1er s. ap. J.-C, sous la chaussée, il évacue les eaux usées jusqu’au Rhône.
N’oubliez pas de vous rafraîchir avant de repartir à la découverte du site car la prochaine fontaine publique est encore loin. Elle est située au nord de la rue des Thermes, en face du Marché…

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Rue du portique reconstitution-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison à la Colombe : un monde à découvrir

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Si vous cherchez cette maison sur le site, vous ne verrez que son portique de façade (restitué) en face de la fontaine de la rue du Portique, ainsi que sa longue façade aveugle le long de la rue du Commerce. Ne soyez pas déçu, vous arrivez bien trop tard pour la découvrir de visu. Elle n’a été partiellement visible qu’entre 1967 et 1985. Pourquoi une chronique sur cette construction ?


Parce que même invisible, elle existe. Parce que l’un de ses pavements est présenté dans le musée et que d’autres sont en attente de traitement depuis cinquante ans dans les réserves. Et parce que, si personne ne raconte son histoire, elle sombrera à nouveau dans l’oubli. Ce serait dommage car elle a plein d’enseignement à nous livrer.
Son plan au sol, pour ce que l’on en connaît, ressemble à celui de la partie sud de la maison des Dieux Océan. Cette habitation n’est cependant pas une copie qui n’offrirait aucun intérêt archéologique. En effet, toutes les fouilles effectuées dans les différentes parcelles du quartier, confirment que celle-ci est aussi l’aboutissement d’une histoire singulière, d’une évolution qui nous demeure totalement inconnue à l’heure actuelle.
Seul son dernier état a été dégagé, de manière très incomplète. Sa limite vers l’est, suggérée par l’emprise du portique de façade, demeure hypothétique et son extension vers le nord est inconnue. Les mosaïques mises au jour révèlent une maison, étendue, mais dotée d’une ornementation relativement modeste. En effet, le décor de ces pavements est plus austère, beaucoup moins sophistiqué que celui des sols de la maison aux Cinq Mosaïques, pourtant nettement plus petite.
Je sens que vous mourrez d’envie de les voir de près. Faites comme la maison, attendez… Demain ou… plus tard, après toutes les autres restaurations…
Au fait, il serait bien de pouvoir déterminer si la colombe en mosaïque, qui a donné son nom à la maison, ornait l’un de ses sols ou l’un de ceux de la domus voisine (encore plus méconnue) ? En effet, l’emprise effective du bâtiment est indéterminée. De ce fait, la bonne attribution des pavements, prélevés avant que leur localisation précise n’ait été effectuée, ne peut aujourd’hui être assurée.
Où la colombe doit-elle se poser ? Dans la maison située à l’angle de l’îlot ou dans celle qui était implantée dans sa partie centrale ? Il faudra fouiller les deux pour s’en assurer et poursuivre la découverte du quartier au IIIe siècle ap. J.-C. Patientez…
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Maison à la Colombe-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La rue du Commerce

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Venez… Venez me découvrir… Je suis la rue du Commerce. Mon tracé d’axe nord sud s’amorce à la hauteur de l’escalier de calcaire qui mène au portique de la maison à la Colombe et du trottoir surélevé qui, du côté ouest, longe la façade de la Petite Fullonica. Ainsi, mon dallage de granite gris que vous avez sous les yeux depuis 1968 s’unissait à celui de la rue du Portique à la fin du IIe s. après J.-C. Je suis une artère active qui abrite commerçants, artisans et manutentionnaires.


C’est ce qu’indiquent les boutiques et entrepôts érigés de part et d’autre de ma chaussée. Vous pouvez me parcourir sur plus de 200 m de long, presque jusqu’à la fourche qui me relie à l’ancienne rue des Thermes. Après la Petite Fullonica, vous longerez les Petits Entrepôts en empruntant mon imposant trottoir de 2,20 m de largeur, couvert d’épaisses dalles monolithes en calcaire blanc. Surélevé de plus d’1m par rapport à la voie, il vous protège du trafic incessant qui règne ici. Il est aussi utilisé comme quai de déchargement par les charrettes qui approvisionnent les entrepôts. Il dissimule sous ses dalles, au cœur des fondations, une grande galerie technique. On peut y circuler debout pour entretenir les réseaux d’amenée d’eau sous pression en plomb qui transitent par la rue et, surtout, ceux qui desservent les parcelles voisines. Grâce à lui et à l’égout collecteur, ancré sous ma chaussée depuis un siècle et demi, je suis à la pointe de la modernité : un conduit pour l’évacuation des eaux usées, une galerie pour gérer la répartition de l’eau propre.
De l’autre côté de la voie, pas de trottoir, pas de portique…
Je ne suis pas une rue résidentielle, festive. Je parais un peu austère avec toutes ces façades fermées. Pourtant, depuis quelques années, la maison aux Cinq Mosaïques, bâtie par un propriétaire aisé, me permet de profiter de la fraîcheur de son jardin, de la douceur de l’eau qui coule dans son bassin lorsque sa porte est entrouverte.
Je suis née dans les années 20, sous le règne de Tibère. Ma première chaussée était située 3 m sous le niveau dallé que vous admirez. Je vais bientôt fêter mes 2000 ans et je fais toujours rêver !
Laurence Brissaud aimerait tant dégager le carrefour qui se cache au-delà des Grands Entrepôts, à 20 m au nord de l’emprise du site actuel et qui me lie à la rue des Thermes. Elle pourrait ainsi me connaître intégralement, mieux saisir l‘organisation du quartier, observer mes niveaux du IIIe siècle. Il suffirait de quelques mètres… Elle pense qu’une autre fontaine doit attendre là le passant. Il y a peut-être aussi un château d’eau, des réseaux d’adduction d’eau…
Je la regarde s’interroger avec amusement car moi seule sait ce qui l’attend…
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Rue du Commerce-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La Petite Fullonica

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Dans les années 1970, ce bâtiment de 240 m2 était connu pour abriter, dans l’une de ses trois « cellules », une fullonica, c’est-à-dire un atelier de nettoyage, de traitement des textiles. La découverte de colorant bleu et de pigments, dans les remblais qui comblaient les bassins de cet atelier, avait un temps suggéré une teinturerie. Très partiellement dégagé en 1968, cette construction a souffert de la présence d’une maison, bâtie au début du XXe siècle.


Celle-ci a entraîné la destruction des niveaux antiques supérieurs dont une grande partie des sols de la fullonica. Le bâtiment est partiellement fouillé en 1983, puis en 1985-86. Sa conception tripartite devait, à l’origine, correspondre à un groupement de trois boutiques, sans doute indépendantes les unes des autres. L’édifice était doté d’un étage directement accessible depuis le portique de façade, soit déjà commun à l’ensemble, soit alors spécifique à chacune des boutiques.
Dans le dernier état observable, les traces d’aménagement, mises au jour à proximité des bassins, apparaissent conformes avec le fonctionnement d’une fullonica, ce qui n’exclut pas la pratique épisodique de teinture. L’officine s’avère de taille réduite bien que l’atelier s’étendait sur au moins deux des trois cellules.
La grande diversité d’organisation des trois espaces nous a amenés à considérer que le bâtiment constituait une seule entité cohérente, dévolue à l’activité textile des foulons, d’où son nom de Petite Fullonica, pour le distinguer de l’autre atelier présent sur le site, plus étendu, avec plus de bassins et de ce fait désigné par l’appellation Grande Fullonica
Le fonctionnement de l’atelier débute vers la fin du IIe siècle. Il est toujours en service au IIIe siècle, alors que le contexte urbain se détériore. En effet, l’égout domestique, visible dans la partie centrale de l’édifice, se déverse, non pas dans le collecteur public mais directement sur la chaussée de la rue du Portique, en ruisselant le long du portique de façade.
Certes, cet égout n’évacuait pas les eaux de vidange malodorantes issues des cuves de traitement des textiles. Ces dernières se déversaient directement dans le collecteur de la rue du Commerce. Néanmoins, un tel aménagement, également observé dans la maison des Dieux Océan, indique un relâchement de la gestion urbaine des effluents.
Souvent considérée, à tort, comme faisant partie des Petits Entrepôts, la Petite Fullonica occupe en fait la même emprise depuis le début du Ier siècle après J.-C.
Belle stabilité, alors que les autres parcelles n’ont cessé de grandir, de disparaître…
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La Petite Fullonica-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

Les Petits Entrepôts

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Cette parcelle est assez souvent délaissée par les visiteurs du fait d’un accès rendu difficile par la béance de la galerie technique. Explorée au début des années 1970, puis fouillée plus systématiquement en 1986, elle n’a pas livré tous ses secrets, anciens et récents. Dans cette chronique, nous nous en tiendrons à sa fonctionnalité la plus évidente. L’ensemble appelé Petits Entrepôts correspond à une parcelle toute en longueur.


Il est constitué de trois bâtiments distincts desservis par trois passages qui les raccordent à la rue du Commerce. Chaque édifice est composé de cellules indépendantes, fermées par une porte à double battants. Les passages sont également clos par des portes à leurs débouchés sur la rue. La destination de l’ensemble ne fait de doute. Il s’agit bien de pièces de stockage, utilisées pour les besoins de leur propriétaire, ou éventuellement louées à des usagers, commerçants ou propriétaires voisins, pour y conserver des denrées, des objets, en vue de leur vente ou de leur utilisation future.
Ce type d’aménagement soulève peu l’enthousiasme des foules (pas de mosaïques, ni de peintures murales) mais il apporte un lot d’enseignements tout à fait original sur les pratiques de stockage dans l’Antiquité. Une certaine uniformité se dégage du fait de la cohérence architecturale de l’ensemble. En réalité, les trois bâtiments ne sont pas strictement contemporains. Le plus ancien est celui du centre, suivi par celui du nord. L’édifice sud, avec ses petites pièces, est construit quelques années plus tard. Tous se mettent en place au cours de la deuxième moitié du Ier siècle après J.-C. La grande pièce du bâtiment central était pourvue d’un plancher sur poutres, qui aménageait un « vide » d’une soixantaine de centimètres de profondeur, destiné à créer une salle ventilée, propice à la conservation de denrées alimentaires, notamment des céréales. Un vide-sanitaire, composé d’amphores vidées et posées à l’envers, est présent dans une seule des pièces du bâtiment sud. Ces aménagements singuliers nous révèlent que chaque espace avait une utilisation spécifique qui pouvait évoluer dans le temps. Ainsi, au cours du IIe siècle, le bâtiment central a perdu sa salle ventilée. Son plancher a été démantelé pour laisser place à un sol en terre. Les entrepôts étaient vides au moment de leur destruction, au cours du IIIe siècle.
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Les Petits Entrepôts-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison au Bassin Excentré

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Si vous cherchez cette maison sur le site, vous ne pourrez la trouver. Elle est en effet intégralement recouverte par la maison aux Cinq Mosaïques. Il s’agit en réalité de la maison qui occupait cet emplacement au cours du IIe siècle après J.-C. Par rapport à sa descendante, son organisation générale était assez similaire. Son jardin était plus grand et son secteur de réception plus réduit. Il est possible qu’une boutique ait occupé son angle sud-est. L’entrée était située plus près du secteur purement domestique de la maison et l’accès à l’étage se faisait différemment.


Les sols des pièces ont été détruits lors de la réorganisation suivante. Il ne subsistait que des lambeaux du sol de béton du vestibule d’entrée, particulièrement confiné.
Son nom est issu de la position de son bassin profond, simplement enduit de mortier de tuileau, implanté sur le côté sud du jardin, devant la salle à manger.
Les vestiges qui subsistaient permettent de restituer la maison d’une famille modeste, suffisamment aisée toutefois pour avoir pu aménager cette habitation à partir d’un bâtiment préexistant. Entre les opulents gaulois et les pauvres romains, ou l’inverse, la classe moyenne de la société antique pouvait, en période de prospérité, accéder à un certain degré de confort domestique.
Par sa structure interne, cette habitation offre un exemple, rare, d’organisation transversale. La maison qualifiée de romaine se développe le plus souvent longitudinalement, en profondeur, dans une parcelle étroite. Ici, le rôle du vestibule est conféré au jardin à péristyle qui donne accès à tous aux espaces de la maison, disposés de part et d’autre de cet espace ouvert. La maison aux Cinq Mosaïques ne fera que reprendre cet agencement.
Pas de mosaïque mais cerise sur le chocolat de l’architecture domestique…
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La maison au Bassin Excentré Saint-Romain-en-Gal

Le Bâtiment Commercial

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
L’enveloppe de la maison au Bassin Excentré est en réalité constituée par les murs du Bâtiment Commercial qui lui ont servi de base structurelle. Cet édifice à vocation économique (appellation générique de ce type de construction) renfermait six boutiques contiguës qui ouvraient sur un portique de façade, intégré à la parcelle. Sa structure était voisine de celle de la Petite Fullonica. Certaines boutiques disposaient d’un escalier et bénéficiaient d’un réseau structuré d’égouts qui recueillait les eaux usées avant de les évacuer dans le grand collecteur de la rue du Commerce.


Le Bâtiment Commercial a été bâti autour du milieu du Ier siècle après J.-C., en même temps que la maison au Grand Péristyle, dont l’emprise correspondait à toute la partie nord de la maison des Dieux Océan.
L’association d’une structure commerciale à un habitat était courante dans les villes romaines. Souvent, les boutiques encadraient l’entrée principale de la maison. Dans le cas présent, nous assistons à une évolution : les commerces ont été regroupés dans un bâtiment autonome, totalement dissocié de l’entrée principale.
Au cours de la deuxième moitié du Ier siècle, la demeure voisine est restructurée et une porte est percée avec le bâtiment dont le portique de façade est occulté. L’édifice devient alors un ensemble de communs, associé au fonctionnement de la nouvelle habitation. Il demeurera ainsi jusqu’à la création de la maison au Bassin Excentré (la porte bouchée de la 12e… Vous suivez ?), qui est structurée à partir du bâti antérieur.
L’emprise des deux boutiques nord est affectée au secteur privé : chambres, escalier, cuisine. Les trois cellules suivantes sont réunies pour aménager le jardin à péristyle et celle du sud donne naissance à un secteur à vocation publique : salle à manger (réception), boutique (commerce).
Dans les boutiques, les sols sont en terre mais des peintures très simples éclaircissent les murs : un fond blanc rehaussé de quelques filets verticaux noirs.
Vous ne les verrez pas dans le musée, ni dans les réserves. Elles sont restées enfouies, en place.
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Le Bâtiment Commercial Saint-Romain-en-Gal

Les Grands Entrepôts

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Cet édifice n’a rien à voir avec les Petits Entrepôts précédemment croisés (chronique du 13 avril). Nous sommes ici dans une toute autre dimension (2 600 m2) et un autre statut. Découvert en 1967, il demeure incomplètement dégagé et peu exploré depuis sa fouille superficielle en 1982. Organisé autour d’une cour centrale, il se compose de deux corps de bâtiments abritant de vastes cellules largement ouvertes sur la cour.

Des aménagements ultérieurs ont introduit un bassin au centre de la cour et des cloisonnements au sein de certaines cellules. La restitution en volume du bâtiment demeure sujette à discussions (présence ou non d’un étage). L’utilisation de planchers suspendus est envisagée avant la mise en place des amphores.
Les Grands Entrepôts doivent en effet leur renommée aux vides sanitaires d’amphores, présents sous le sol. En fait, ces aménagements interviendraient plutôt à l’occasion d’un remblaiement d’ampleur destiné à élever le niveau général de circulation au sein du bâtiment, en lien avec l’exhaussement de la chaussée de la rue du Commerce. L’utilisation des amphores à huile, rondes, comme remblai se retrouve fréquemment sur le site, dans des contextes liés aux transformations du bâti.
Les Grands Entrepôts ont été bâtis vers le milieu du Ier siècle, à la même époque que le Bâtiment Commercial. Différents indices indiquent que la conception du parcours du collecteur intégrait la présence des Grands Entrepôts avant même leur construction.
Partie prenante d’un programme d’aménagement public, ces derniers pourraient correspondre à un édifice public, destiné au stockage de denrées, un grenier à grains par exemple.
Il y a une dizaine d’années, un bâtiment en tout point identique associé à de petits thermes, interprétés comme un établissement de bains à l’usage des employés des entrepôts, a été mis au jour dans la région de Pise.
Le même équipement existait-t-il auprès des Grands Entrepôts ?
La réponse pourrait se trouver sous l’aire de pique-nique…
« Casse-croûter pour se sustenter ou casser la croûte (du sol) pour nourrir sa connaissance ? »
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Les Grands Entrepôts-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La Grande Fullonica

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Moi, la Grande Fullonica, je suis la porte-parole de mes bassins, mes enfants, mes petits bijoux pour m’insurger sur leurs conditions de vie dans cet EPHAD (équipement provisoire hautement atrophié et dégradé). Si l’image du site est fortement associée aux mosaïques, sa préservation doit beaucoup à la présence de ma batterie de cuves, une découverte unique hors d’Italie. Mais leur caractère exceptionnel n’a toutefois pas suffit pour leur assurer une vieillesse heureuse.


Vous les auriez vu lors de leur naissance au début du IIe siècle après J.-C., fringants avec leurs enduits bien lissés, polis, bref bien éduqués. Ils étaient ma fierté et les ouvriers, en dépit des odeurs nauséabondes, étaient tous heureux de barboter avec eux, de piétiner les étoffes, de rincer les tissus dans les eaux profondes de mes quatre garnements.
À la cessation d’activité de l’atelier, ils furent aussitôt comblés et, ainsi préservés, ils traversèrent les siècles et purent perpétuer ma mémoire jusqu’en 1967 où leur renaissance illumina le site.
Toutefois, fragilisés par les ans, leur protection devînt une question délicate. Des essais de confinements eurent lieu. Les premiers abris, des serres-tunnels à toile en PVC armé, ne résistèrent guère aux variations de températures et furent rapidement altérés. Une tranchée d’assainissement fut creusée autour d’eux pour les protéger des remontées des eaux d’infiltration.
Par la suite, la mise en place de l’abri en tôles, toujours en service aujourd’hui, réduisit tellement l’humidité que l’on dut procéder à des injections de résines pour recoller sur les murs les enduits supérieurs, qui menaçaient de s’écrouler.
En revanche, les enduits des cuves, décatis, finirent par tomber : trop humides pour être recollés avec des résines, trop secs pour adhérer durablement à leurs parois. La sécheresse dans cet abri en tôles, brûlées par le soleil, n’a d’équivalent que le développement viral des mousses par temps de pluies. Depuis, des mesures de protection ont limité l’infiltration des eaux de ruissellement et l’érosion générée par le passage des nombreux visiteurs.
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La grande fullonica-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

«La dame de Saint-Romain» : souvenir d’une découverte

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
Mai s’achève. Il est environ 15h… Le soleil est au zénith. Les martinets trissent, fendent l’air, volent haut. Il fait très chaud. Pas d’ombre… Jean-Luc, Maud, notre stagiaire, et moi, fouillons à nouveau la rue des Thermes, 43 ans après son décapage, à l’emplacement du trottoir en terre où disparaissait la conduite en plomb estampillée CMP. Cette semaine, nous avons trouvé la suite de l’adduction. À sa sortie du portique, elle traverse la rue en oblique.


C’est gagné ! Nous savons à présent que ce réseau, issu du sud, alimentait aussi le lacus du carrefour. Le dallage velouté de granite gris est brûlant. Après avoir plongé nos mains sous le fil d’eau de la fontaine pour rafraîchir nos visages, nous entamons la fouille du remblai 13. Maud remplit la fiche de couche.
Nous cumulons nos observations : 29 mai 2011. Remblai d’abandon. Couche très compacte, pendage est-ouest. Jean-Luc humidifie la surface du sol avec le vaporisateur. L’odeur chaude de la terre nous enveloppe. Les couleurs ressortent… Brun sombre. De menus tessons de céramiques, des clous et fragments d’os apparaissent. Pourquoi cette dalle de voie s’est-elle affaissée de près de 30 cm ? La réponse est dessous…
Soudain, ma truelle butte sur un objet insolite… Mon cœur s’accélère. Je retiens mon souffle. Je sors pinceau et outils de dentiste, réservés aux grandes occasions. Deux grands yeux écarquillés, surpris par la lumière du jour, me fixent avec insistance.
Il s’agit d’un buste féminin, ornement sommital d’une épingle en os. Je le prends dans mes mains. Le temps s’arrête.
La finesse des traits, les dimensions sont exceptionnelles pour ce type d’ornement, sculpté vers le début du IIe siècle et sans doute directement sorti d’un atelier de Rome. Le fût de l’épingle a disparu. Privée de son support, la tête a été abandonnée, jetée, reléguée dans ce remblai du début du IIIe siècle.
Le temps reprend son cours. Je donne un n° à l’objet, SRG-VOIE III-29-13-1, identité archéologique, vitale pour ne pas perdre le lien avec le site, je le dépose dans une boîte en carton, referme le couvercle et le regard de ce « témoin muet de ce qui fut » (J.-C. Bailly, Apostrophe muette) me manque déjà…
Je retourne souvent voir la dame de Saint-Romain dans la vitrine du musée dédiée à la parure. Elle est allongée. On ne voit pas son chignon tressé. À travers la vitre, j’aperçois de loin son sourire intemporel et lorsque nos regards se croisent, le temps suspend son vol…
Aux lecteurs des Chroniques des mémoires, nous offrons ce doux regard du passé qui scrute l’avenir avec confiance et curiosité…
Si vous souhaitez en savoir plus
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La dame de Saint-Romain-en-Gal

La maison aux Colonnes

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Je vis depuis toujours dans la maison aux Colonnes où, objet ordinaire, je suis devenue exceptionnel. Je peux vous raconter l’histoire de mon habitation de sa naissance vers la fin Ier siècle après J.-C., jusqu’à aujourd’hui. Cette domus est très appréciée des visiteurs pour sa salle à manger ombragée au centre du jardin, sa triple fontaine, son long bassin où s’ébattaient autrefois des poissons.


Les visiteurs se laissent prendre par ce jardin bucolique, sa pergola et sa vigne vierge. Ils en oublient que seule la partie arrière de la maison est visible, sa part la plus privée.
Moi, j’observe ses habitants dans toutes leurs activités. Je les vois banqueter dans la salle à manger, recevoir dans leur salon, se rafraîchir sous la tonnelle.
Je sais aussi quand ils prennent leur bain, dans ces petits thermes tardivement créés à l’extrémité du portique, au détriment du péristyle. Je les entends glisser sur la mosaïque humide avant d’aller suer dans le caldarium et plonger dans la baignoire, disparue depuis longtemps… Le visiteur actuel n’en voit plus que l’hypocauste, le chauffage par le sol.
J’aurais plein d’anecdotes à raconter : la construction avec les boutiques associées, les toilettes au fond du jardin, près du mur ornementé que personne ne verra plus jamais…
Autres vies…
La maison n’a pas toujours eu son nom actuel. Au début, elle fut la maison aux bassins superposés. Mais cette appellation imagée mélangeait les époques. L’actuelle s’est peu à peu imposée après la reconstitution des trois colonnes.
Mes trois copines se sont longtemps dressées, seuls éléments restaurés, au milieu d’un champ de murs altérés. À peu près entières, elles sont cependant bien banales. Toutes les maisons du quartier avaient ce même modèle.
En revanche, moi, bien que commun dans l’Antiquité, je suis désormais unique sur le site. Certes, j’ai des cousins plus richement ornés mais tellement stéréotypés avec leurs acanthes foisonnantes. Qui suis-je ?
Je suis le seul chapiteau en place du site et la sobriété de mon décor fait de moi un modèle original, désormais unique, mais souvent oublié… Je me réserve seulement à la lumière de vos yeux levés, public curieux.
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Maison aux Colonnes-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison aux Poissons

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
J’étais certainement l’une des plus riches domus du quartier mais aujourd’hui je suis discrète. On me devine depuis la ruelle des Jardins, dissimulée par les deux murs accolés, en façade, qui posent toujours question aux archéologues.
On ne peut pas confondre avec ma voisine, la maison aux Colonnes. Je suis en effet bien plus grande et plus richement décorée qu’elle.


Certes, comme pour elle, vous n’avez accès qu’à ma partie arrière. Nos entrées principales ouvrent au nord, en dehors du site archéologique, sur une rue parallèle à la ruelle des Jardins.
À première vue, vous ne verrez qu’une forêt de murs mais, en prenant votre temps, vous discernerez les nombreuses pièces qui me composent.
Retrouvez ma salle à manger, mon secteur de bains, mes chambres, leur couloir d’accès, la pièce chauffée et le secteur de service pourvu de latrines. Toutes ces salles débouchent sur un jardin à portiques, à peine esquissé au pied du talus.
Parmi les maisons actuellement visibles et étudiées du quartier, je suis celle qui possède le plan le plus complexe et celle dont l’histoire est la moins connue.
Cette méconnaissance est liée à l’espace disponible pour les fouilles, très réduit, et au temps que les archéologues du site ont pu me consacrer : à peine deux mois durant l’été 1989.
Une chose doit vous frapper : la faible profondeur d’enfouissement de mes vestiges. Cette caractéristique a fait le bonheur des fouilleurs mais aussi mon malheur.
J’ai en effet été dépossédée de mes pavements au cours du temps. Et les deux derniers, mis au jour en 1964, dans des sondages préliminaires à l’implantation du lycée, ont été totalement détruits par le gel lors de l’hiver suivant.
Vous vous demandez d’où vient mon nom. Des poissons qui peuplaient mes bassins ?
Je n’en abritais pas. Ils demandaient trop d’entretien.
J’ai préféré éblouir mes visiteurs avec une mosaïque qui les représente, entourés de vaguelettes, incrustés dans le fond du bassin du jardin.
En revanche, il faut être patient car ils sortent rarement de leur cachette.
Ne faites pas de bruit… Là, vous les voyez ? Une daurade ? Homard ou langouste ? Un dauphin ! Et les autres ? Trop tard, ils ont déjà disparu, loin de nos regards…
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Maison aux Poissons-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison de Sucellus

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
Le nom de Sucellus, la divinité découverte dans la rue des Thermes, a été choisi pour désigner la maison la plus proche de son lieu de découverte. À l’usage, cette appellation a engendré une certaine confusion car elle suggère que la stèle provient de cette demeure, ce que rien n’assure. Au contraire, le dégagement exhaustif du secteur permet plutôt de rapprocher la statue du laraire observé contre les thermes du Nord.


Par ailleurs, le fort arasement des sols intérieurs de la demeure a entraîné la disparition de tout objet domestique qui pouvait y subsister. Nous pouvons donc raisonnablement estimer que Sucellus n’a jamais mis les pieds dans sa maison.
L’importante érosion n’a toutefois pas empêché d’identifier cette construction comme une habitation. Son organisation a été reconstituée à partir de la disposition de ses murs profondément ancrés dans le sous-sol.
Son apparence actuelle résulte d’une interprétation simplifiée des vestiges, basée sur la structure originelle de la construction. Des éléments fortement altérés, attestant notamment une réduction de la surface du jardin, ont été écartés. Il ne fallait pas que leur restitution trahisse la réalité antique. Ainsi, aucune plantation n’a été effectuée dans le jardin afin de préserver ces vestiges peu enfouis.
Bâtie au IIe siècle sur 1500 m2, au sud de la ruelle des Jardins, la maison se compose de deux corps de bâtiment disposés en équerre autour d’un vaste péristyle. L’aile sud correspond à la partie privée, avec chambres et bains. Le bâtiment principal regroupe salles de réception et secteurs de service.
Vous accédez au jardin à portiques directement depuis la rue des Thermes grâce à deux couloirs. Le plus long, destiné aux invités, vous amène directement aux salles de repas et le plus court, réservé à la maisonnée, dessert une zone de service et facilite l’accès à l’aile sud. La salle à manger principale ouvre largement sur le jardin grâce à un portique surélevé qui domine un profond bassin, implanté juste à au pied de ses imposantes colonnes. Si vous regardez bien l’un des fûts, vous verrez encore les pattes métalliques de fixation d’une barrière destinée à vous éviter, convives éméchés, de prendre un bain en sortant de table.
Ne vous laissez pas rebuter par l’actuelle austérité de cette habitation. Son ample péristyle demeure un lieu propice à la méditation, à la déambulation, à l’otium… Rêvez, décompressez…
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Maison de Sucellus-Site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

La maison au Vivier

par Jean-Luc Prisset, responsable scientifique du site archéologique.
En 1968, la mise au jour d’un profond bassin équipé d’amphorettes, encastrées à la base des parois, montrait que les viennois, comme les romains, élevaient des poissons dans leurs riches demeures. Ce vivier, découverte rare en milieu urbain, est resté méconnu. Sa mise en valeur a été contrariée par un contexte peu explicite, dû à la forte intrication des maçonneries des différentes époques.

L’analyse du secteur n’a été réalisée qu’en 1990-91, lors de la fouille systématique de l’îlot en vue de sa mise en valeur. La politique de restauration étant axée sur la présentation des derniers états les mieux conservés, la maison au Vivier fut alors remblayée afin de restituer la maison de Sucellus et l’Édifice aux Piliers qui l’avaient remplacée au IIe siècle.
Cette demeure, redevenue invisible, apporte cependant des informations essentielles sur la topographie du quartier.
Édifiée vers le milieu du Ier siècle après J.-C., la maison au Vivier se déployait d’est en ouest sur une parcelle d’environ 2500 m2 et se décomposait en quatre secteurs : un bâtiment d’entrée partiellement observé (encore une construction qui sort du site…), un jardin à péristyle, un corps d’habitation et de réception et un vaste jardin, établi plus de 2m en contrebas du niveau des bâtiments.
Le vivier occupait le centre du jardin à péristyle. Une vasque rectangulaire en marbre participait à l’ornementation de cet espace, à l’image des jardins des domus contemporaines de Pompéi. Suivons le propriétaire :
« Mes voyages m’ont effectivement inspiré pour la décoration. J’aime cependant la sobriété. Ainsi, j’ai réservé les mosaïques aux pièces essentielles. Pour les autres, j’ai préféré de simples sols en béton.
Vous avez certainement remarqué le sol mosaïqué de mon salon. Tout le monde n’apprécie pas ses grands rectangles noirs disposés en quinconce sur un fond rouge. Moi si.
Je vous emmène voir mon jardin intérieur. De cette terrasse, vous pouvez, d’un coup d’œil, en apprécier la composition. Descendons par l’un des deux escaliers. Je vous précède ; l’accès est assez étroit.
Cette canalisation en plomb qui monte le long du mur de terrasse permet l’alimentation en eau de toute la maison. L’ouverture voisine ? Une remise pour les outils des jardiniers. » Vous souhaitez découvrir le jardin dans tous ses détails ?
Priez Sucellus pour qu’il vous laisse fouiller sous « sa » domus…
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La maison au Vivier - site archéologique de Saint-Romain-en-Gal

Souvenir de fouilles : le tronçon sud de la rue des Thermes

par Laurence Brissaud, responsable scientifique du fonds archéologique et patrimonial du musée.
À la fin du IIe siècle, la rue des Thermes prenait naissance, au sud, en face de la petite porte d’accès aux thermes publics des Lutteurs et à ses latrines richement ornées qui pouvaient accueillir une quarantaine de personnes. Cet axe majeur nord-sud, revêtu d’un superbe dallage de granite gris, pourvu, côté ouest, d’un épais trottoir maçonné couvert de dalles monolithes de calcaire blanc, obliquait vers l’ouest à mi-parcours. Il suivait ainsi la majestueuse courbure du fleuve Rhodanus.

La rue ondulait vers le nord, entre les domus du quartier, desservait le secteur des ateliers de potiers, gagnait les franges de la ville puis, la campagne, en direction de Lugdunum. Aujourd’hui restaurée, elle se révèle à vous dans toute sa splendeur. Elle était pourtant loin d’avoir cet aspect lorsqu’elle fut découverte.

Les rues ne sont pas faites pour passer mais pour unir (J. Cl. Martinez)

Je me souviens… 1991… L’équipe archéologique, chargée de raccorder le réseau viaire antique à la passerelle d’accès du futur musée, entreprend le dégagement du tronçon sud de la rue des Thermes.

La chaussée dallée, mise au jour au nord en 1968, est noyée sous la végétation. Je guide le pelleteur qui procède au décapage préliminaire. Peu à peu, sous la lame du godet lisse, la rue se dévoile, se dessine…

Côté est, les murs de façade très arasés apparaissent.

Côté ouest, le trottoir, les murs de façade ont été récupérés sur près de 1,40m de profondeur. La coupe stratigraphique, mon « livre de terre », me renseigne peu à peu sur l’essence de l’îlot central. Dénué de rue, il révèle, au nord, l’existence d’un édifice commercial puis, celle d’un petit habitat, doté d’un très bel hypocauste et d’une vaste domus.

Nous ouvrons des sondages profonds dans la rue, aux endroits stratégiques. J’ancre l’un d’eux (Voie III 5) au changement d’orientation de la voie. Trois ans plus tard, la fouille achevée, ce « trou de mémoires » m’a révélé sur ses 4m d’épaisseur que la rue, créée au Ier siècle avant J.-C., était l’un des axes fondateurs de l’urbanisme de la rive droite.

Trente chaussées empierrées, une douzaine de réseaux d’adduction d’eau se sont succédé jusqu’au IIIe s. après J.-C.! La fouille exhaustive de l’égout public m’a permis de replacer toutes les évacuations domestiques mises en œuvre depuis les bâtiments riverains.

Il a fallu cinq ans pour mener à bien les fouilles et la restauration de la rue.

À présent, seule la chaussée dallée encadrée de façades dérasées, si bien posée dans le paysage, témoigne du travail de l’archéologue. Aussi, lorsque vous viendrez à nouveau flâner dans la rue des Thermes, n’oubliez pas que sous vos pas, sous le dallage de granite gris, sous la vaste plaine engazonnée, c’est tout un quartier invisible mais bien réel qui, vivant et foisonnant, s’offre à vous qui désirez l’Antique. Nous continuerons à le lire, à l’étudier et à le protéger, pour vous faire rêver…

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Tronçon sud de la rue des Thermes - Site archéplogique de Saint-Romain-en-Gal